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PLANET DESTROY
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25 janvier 2006

LA PERCHE DU NIL

 ARTICLE PROVENANT DE NOVETHIC.fr Imprimer
Société \ Economie \ Commerce international
Le "Cauchemar de Darwin" pour réveiller les pêcheurs africains et l'U.E.
Illustration : Le "Cauchemar de Darwin" pour réveiller les pêcheurs africains et l'U.E.

Le Cauchemar de Darwin, documentaire qui montre quelles catastrophes écologiques et sociales peut entrainer la mondialisation, sort en DVD. Le film a été vu par des pêcheurs de Katosi, village ougandais situé au bord du Lac Victoria, région où se situe le tournage. Leurs réactions ont fait l'objet d'une vidéo, que Margaret Nakato, vice-présidente du Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche, est venue présenter en France pour interpeller les Européens.

Savoir quelle vision de l'Afrique a l'Europe, ce que signifie la mondialisation des échanges et tendre un miroir peu complaisant à sa communauté, voilà ce que souhaitait Margaret Nakato, en projetant Le Cauchemar de Darwin devant des pêcheurs de Katosi, vivant au bord du lac Victoria, en septembre  2005. Co-présidente du Forum mondial des pêcheurs et des travailleurs de la pêche (regroupement d'artisans pêcheurs fondé en 2000 en Bretagne), elle s'est donc rendue dans le village ougandais de Katosi, situé sur les rives du lac Victoria, à environs 300 kilomètres du lieu où le documentaire d'Hubert Sauper a été tourné, côté Tanzanie (voir article lié).
Le documentaire témoignait des ravages de la mondialisation sur l'homme et son environnement, à travers l'exemple de la commercialisation de la perche du Nil, poisson élevé et pêché dans le lac Victoria. Cette projection exceptionnelle, rendue possible grâce à la Fondation pour le progrès de l'homme (FPH), a donné lieu à la réalisation d'une vidéo montrant les réactions des pêcheurs de Katosi au documentaire du réalisateur autrichien.
Les réactions des pêcheurs africains sont émouvantes, sans colère. Loin de désigner des coupables ou de prendre à parti les règles inéquitables du commerce mondial, elles relèvent plutôt de l'auto-critique et soulignent les urgences. Les enfants privés d'éducation, pollution du lac inquiétante, épidémie du sida (16 % de malades dans les communautés de pêcheurs contre 6 % pour le reste du pays), prostitution, nécéssité de trouver des alternatives à la pêche, de ne pas " vendre le lac Victoria ", obtenir des aides du gouvernement, mieux s'organiser grâce aux associations locales et internationales comme le Forum mondial des pêcheurs, en appeler à la communauté européenne... "C'était très émouvant de montrer ce film, témoigne Margaret Nakato "Certaines personnes pleuraient, mais cela peut avoir un impact très formateur justement ".
En tant que présidente de l'Association de développement des femmes pêcheurs de Katosi, Margaret veut poursuivre ses actions de sensibilisation, et ce film, pense t-elle, peut l'y aider, par son constat impitoyable : " Notre coopérative essaye de trouver des activités alternatives, comme de monter un magasin d'alimentation, d'offrir des formations.... Nous soutenons également un programme d'agriculture durable visant à donner à chaque femme une vache pour fournir du lait ou de la nourriture pour sa famille. "

Un film aux vertus pédagogiques internationales

Mais c'est aussi en Europe que Margaret Nakato espère être le porte-parole de ces pêcheurs du lac Victoria en s'appuyant sur la prise de conscience favorisée par Le Cauchemar de Darwin. Margaret Nakato est venue en France courant octobre. Elle a rencontré des élus, des associations et des responsables du secteur de la pêche, notamment en Bretagne, dans le cadre de la campagne de sensibilisation à la faim dans le monde Alimenterre, menée depuis cinq ans par le Comité français pour la solidarité internationale (CFSI). Sans appeler au boycott de la perche du Nil, elle espère faire réagir  les plus hauts niveaux de décisions européens.

La partie semble loin d'être gagnée. En effet, en juin 2005, Marie-Hélène Aubert (groupement des Verts) a interrogé les autorités européennes sur la gestion des fonds européens pour le développement en Afrique, aux vues des conséquences désastreuses de l'exploitation intensive de la Perche du Nil montrées dans le documentaire. L'Union européenne, dans sa réponse parvenue en septembre, précise que le film ne comporte pas d'allégations sur la responsabilité de l'Union européenne (UE) dans l'introduction de la perche, ni dans l'établissement des usines de production intensive. L'UE a simplement contribué à améliorer les conditions de production et de contrôle sanitaire des produits de la pêche, pour un meilleur accès au marché mondial de ces produits, afin de réduire la pauvreté. Enfin, elle précise que " la perche du Nil n'a jamais fait partie de l'alimentation traditionnelle de la population locale ", l'UE se félicite de l'incontestable élévation du niveau de vie des communautés vivant au bord du lac, et de l'inscription d'un tel programme dans une logique de développement soutenable.
Hubert Sauper, le réalisateur, a commenté cette réponse en rappellant que la seule vision durable de l'Union européenne et de la Banque mondiale était un cynique cercle vicieux : augmenter par tous les moyens les revenus de pays tels que la Tanzanie pour les aider à financer... leurs dettes !



Sylvie Touboul
Mis en ligne le : 21/12/2005



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