Début mars a été lancée en Midi-Pyrénées une filière agro-industrielle consacrée aux détergents verts, produits à base de tensio-actifs végétaux et non pétrochimiques. Tous les acteurs entrant dans le cycle de vie du produit, scientifiques, agriculteurs, fabricants, distributeurs, professionnels de l'entretien, institutions locales et nationales, se sont engagés à travailler dans le même sens. L'occasion d'y voir plus clair sur cette filière en progression.
Pour la société Lobial, à l'origine de la filière "Détergence verte" inaugurée le 13 mars 2006 à Toulouse, faire les choses en réseau semble être la seule bonne manière de fonctionner. Cette start-up, comme son dirigeant, Armand Courtois de Viçose la définit lui-même, développe depuis une dizaine d'années une gamme de produits industriels et ménagers à base de tensio-actifs d'origine végétale (molécules entrant dans la composition des émulsions, des mousses, des adoucissants ou des détergents). Cette société, qui ne compte que 10 personnes, mutualise la recherche et la fabrication et a pu décrocher des contrats dans la grande distribution.
Forte de cette expérience, et face à l'essor du marché des produits d'entretien écologiques, Lobial a souhaité aller plus loin et a initié la création d'une filière dite "de développement durable", sous l'égide de l'Agence régionale pour l'environnement (ARPE). Apparemment fort séduits par ses promesses de développement économique local, tous les acteurs potentiels de la chaîne de production et de distribution ont signé la Charte d'intention de cette filière : deux coopératives agricoles, deux centres de recherche, un industriel de l'agro-alimentaire, deux distributeurs, une entreprise de nettoyage et un cabinet d'avocats.
Les signataires de la Charte se sont pour l'instant engagés à consacrer leurs efforts au développement de solutions durables pour les produits d'entretien dans leurs métiers respectifs. Pour Lobial, l'enjeu est double, comme l'explique Armand Courtois de Viçose : "Nous avons montré qu'une PME peut faire des choix plus audacieux, et s'en sortir, nous voulons maintenant passer à l'étape supérieure en développant cette filière agro-industrielle de proximité, pour l'impact environnemental, le maintien du tissu économique local et pour ne plus être tributaire de productions agricoles exotiques." La filière qui vient d'être créée représente 400 emplois et 150 millions d'euros de chiffre d'affaires, et pourrait bien être à l'origine d'un pôle de compétence "Agro" dédié à la productivité durable, pôle qui sera choisi en juillet prochain.
Les promesses des agromatériaux
Remplacer des substances, issus de la pétrochimie, comme les tensio-actifs, par des ressources végétales, présente plusieurs avantages : se passer du pétrole, offrir de nouveaux débouchés à l'agriculture, limiter le recours aux substances chimiques et prévenir des pollutions liées à l'usage des produits d'entretien. En France, selon Lobial, le marché des détergents pour collectivités industrielles représente 1,5 milliard d'euros, celui des particuliers, 4 milliards d'euros. Or, les tensio-actifs, sont l'une des substances essentielles aux détergents et les composent à hauteur de 20 à 40 %. En Europe, à ce jour, 69 % des tensio-actifs sont d'origine pétrolière, 25 % d'origine végétale et 6 % d'origine animale. La dépendance au pétrole est encore significative. Mais les recherches pour substituer les plantes (Maïs, colza, tournesol...) au pétrole se multiplient depuis une dizaine d'années, et s'intensifient depuis 4 à 5 ans.
Un secteur à développer en le crédibilisant
Bien sûr, en aval de cette nouvelle filière qui devrait augmenter l'offre de substances renouvelables et biodégradables, le développement de ce secteur repose sur l'engagement d'un autre acteur indispensable : le consommateur, qui doit pouvoir identifier ces produits et avoir confiance. Aujourd'hui, deux normes authentifient les vertus écologiques d'un détergent : le label écologique européen (la petite fleur) et la norme NF environnement pour la France. Mais au côté de ces deux repères, une multitude de labels ou mentions peuvent inciter ou non à acheter ces produits.
Ainsi, comme d'autres distributeurs, tel Cora et sa marque "développement durable", Monoprix a lancé, il y a un an, une gamme de 14 produits d'entretien écologiques sous sa marque "Monoprix Vert". Parmi ces 14 produits, dont Lobial en fournit trois, tous ne possèdent pas l'écolabel européen (4 seulement) ou la mention NF environnement. "Cela n'est pas systématique, explique Armand Courtois de Viçose, certains produits ne sont pas encore pris en compte par le label européen. Le distributeur doit donc fournir une information très convaincante." Information convaincante ? Sur le site de Monoprix, les fiches produits proposées ne livrent qu'un tableau de substances dont seul un chimiste peut apprécier tout l'intérêt. Alors comment faire confiance à une marque privée qui auto-déclare les vertus écologiques de ces produits ? "Il existe une norme internationale, l'ISO 14021, rassure Sylvain Czaryski, juriste spécialisé en droit de l'environnement, et auteur d'un récent "Guide des produits responsables labellisés". Cette norme fournit un guide à l'entreprise pour privilégier des déclarations précises, claires et vérifiables." Monoprix s'est engagé, selon le site officiel Consodurable, "à appliquer volontairement la Norme ISO 14021 afin d'assurer la sincérité et la fiabilité de ses autodéclarations."
Sylvie Touboul
Mis en ligne le : 12/04/2006 |
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